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Pénal : Cellules sur écoute ; la chambre plénière de la Cour de Cassation confirme

12/03/2015
Pénal : Cellules sur écoute ; la chambre plénière de la Cour de Cassation confirme
Pénal : Cellules sur écoute ; la chambre plénière de la Cour de Cassation confirme que la sonorisation des cellules de garde à vue constitue un procédé déloyal dans la recherche de la preuve

Il y a un an de cela je publiais une actualité selon laquelle la Chambre criminelle de la Cour de Cassation jugeait déloyale la sonorisation des cellules de garde à vue.

A la suite de cet arrêt, la Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a néanmoins refusé d'annuler les pièces qui lui étaient soumises.

Suite à un nouveau pourvoi, c'est la chambre plénière de la Cour de Cassation qui a statué, et a confirmé sa jurisprudence.

Je remets donc le texte initial de cette actualité.

Pénal : Cellules sur écoute : les enregistrements déloyaux ne sont pas plus tolérés dans les locaux de garde à vue que dans ceux du Palais de l’Elysée.

L’actualité récente concernant la diffusion des enregistrements « clandestins » faits par Monsieur Patrick Buisson dans l’exercice de la mission qui lui a été confiée par le plus haut sommet de l’Etat rend plus savoureuse encore la lecture d’un arrêt récent de la Cour de Cassation en matière pénale.

Pour résumer, on pourrait le sous-titrer ainsi : de la garde à vue, de la bande organisée et de la loyauté dans la recherche de la preuve ; il y a des limites à ne pas dépasser. La fin ne justifie pas (tous) les moyens.

Voici donc que la Cour de Cassation doit rappeler ce non-adage aux autorités d’enquête. « La fin ne justifie pas les moyens », et confirmer que la preuve en matière pénale doit être recueillie de manière loyale par les enquêteurs…

Les enregistrements déloyaux ne sont pas plus tolérés dans les locaux de à vue que dans ceux du Palais de l’Elysée.

En quelques mots, voici l’affaire.

 

Suite au braquage d’une bijouterie, deux personnes, appelons-les X et Y, sont soupçonnées d’avoir participé à la commission de cette infraction, ainsi qu’un tiers qui n’est pas identifié.

Quelques éléments techniques sont nécessaires pour comprendre cet arrêt :

  • La garde est vue est justifiée si elle répond aux exigences de l’article 62-2 du code de procédure pénale (par exemple permettre des investigations qui nécessitent la présence de la personne, empêcher que la personne ne modifie des indices, ou empêcher toute concertation entre des personnes…)
  • La sonorisation d’un lieu, mesure qui porte par essence préjudice à la vie privée (l’actualité récente au sujet des enregistrements de l’ancien  Président de la République par Patrick Buisson nous le rappelle), n’est possible que si elle est enfermée dans un cadre strict.
  • Les moyens de recours à celle-ci et la procédure sont définies par l’article 706-96 du code de procédure pénale
  • Les cas de recours notamment visés sont ceux de l’article 706-73 du même code ; pour simplifier, il s’agit des délits et crimes commis en bande organisée (pour plus de précisions, il est nécessaire de se reporter à l’article).

Dans cette affaire donc, X et Y sont soupçonnés d’avoir participé au braquage de la bijouterie.

Des éléments circonstanciés peuvent motiver leur placement en garde à vue (rappelons tout de même que toute personne est réputée innocente jusqu’au jour où sa condamnation est devenue définitive…).

Néanmoins, et avant de procéder à ce placement en garde à vue, la brigade de répression du banditisme a sollicité auprès du Juge d’Instruction la possibilité de placer des dispositifs d’enregistrement dans les cellules qui seraient occupées par X et Y.

Cette autorisation a été donnée, et la procédure a été scrupuleusement respectée.

Monsieur X et Y ont donc été placés en garde à vue dans des cellules contiguës ; pendant leurs temps de repos (c’est-à-dire entre les auditions) ceux-ci ont communiqué et Monsieur X a tenu des propos dits « auto incriminants », qui ont été enregistrés. 

Ces enregistrements ont été versés à la procédure comme élément à charge, et Monsieur X a été mis en examen.

Mais Monsieur X a sollicité l’annulation des PV de placement en garde à vue et de toute la procédure subséquente. 

Après de multiples démarches qu’il est inutile de citer ici, la Cour de Cassation a annulé ces pièces, au motif de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, de l’article préliminaire du code de procédure pénale formant ensemble le principe de loyauté des preuves.

 

Cet arrêt est intéressant car il constate que prises individuellement, les mesures sont toutes légitimes : la garde à vue est justifiée et régulière, tout comme l’est le recours à la mesure de sonorisation. 

Mais l’arrêt relève que « la conjugaison des mesures de garde à vue, du placement de MM. Y... et X... dans des cellules contiguës et de la sonorisation des locaux participait d'un stratagème constituant un procédé déloyal de recherche des preuves, lequel a amené M. X... à s'incriminer lui-même au cours de sa garde à vue ».

En d’autres termes, les ingrédients sont bons, mais la cuisine est mauvaise.

Que ce soit dans les Palais ou les geôles de l’Etat, on n’enregistre pas les gens à leur insu aussi facilement.

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